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pour l'esprit, de l'idéal et du réel, et, au point de vue théâtral, dans la juxtaposition incohérente pour l'œil, du vrai et du faux. Ainsi, d'une part, toute représentation idéale détruira l'impression très vive que nous aurait causée la présentation du réel, ou réciproquement l'effet de la première sera détruit par celui que produira la seconde; d'autre part, toute opposition entre la réalité et la perspective théâtrale, qui met en présence le vrai et le faux, anéantira immédiatement l'illusion et réduira le réel à l'imaginaire.

On peut aisément fournir des exemples qui mettront en relief cette double contradiction. Dans la Charbonnière, un tableau représentait une salle d'hôpital. L'aspect de cette salle nue, blanchie à la chaux, que garnissaient deux rangées de lits entourés de leurs rideaux blancs, était d'un réalisme vraiment saisissant. Au pied du premier lit, à droite, une sœur, veillait; dans le lit était étendue une moribonde, dont le visage à demi fracassé était recouvert d'un voile de gaze. Le tableau, dans sa simplicité tragique, causait une double impression de pitié et de terreur; et cette impression ne se fût pas effacée si le drame n'eût amené dans ce tableau une représentation de la mort et ensuite une représentation de la folie. Ces deux représentations ne peuvent jamais être qu'idéales, c'est-à-dire conçues et rendues idéalement par la réduction forcée du temps nécessaire à la succession des phénomènes morbides, par la prédominance des effets généraux et par l'effacement des traits particuliers. Or, dès que l'idéal surgissait au milieu du réel,