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complexe et relative, les états psychologiques et pathologiques des êtres, individuellement déterminés, qui agissent sous l'empire d'une passion. Ce qu'elle cherche, c'est donc une vérité plutôt relative qu'absolue. C'est pour cela que nous avons dit plus haut que l'école agrandissait la superficie de l'art, en abaissant sensiblement l'idéal. On peut, en effet, accorder au réalisme le droit qu'il réclame de différencier, par exemple, le mode d'aimer de l'homme du peuple de celui de l'homme du monde; mais dès que la jalousie armera d'un couteau la main de l'un et de l'autre, elle devrait à son tour reconnaître que toutes les distinctions sociales s'anéantissent devant un fait pathologique purement humain.

L'art, parti du particulier et du relatif, doit donc aboutir au général et à l'absolu; et par suite le poète, après avoir soigneusement pris ses types dans la réalité, doit tendre à l'idéal, c'est-à-dire à dégager l'être humain de toute contrainte sociale et à débarrasser les passions des masques sous lesquels cette contrainte les force à se cacher et à se dérober aux regards. C'est le transport du relatif au théâtre qui fait la richesse de l'art moderne; mais c'est seulement en dégageant l'absolu de ses données relatives que celui-ci assurera à ses productions une valeur générale et une portée psychologique universelle, et leur donnera l'espérance de vivre au delà du temps présent.

En cela, l'esthétique théâtrale devra suivre l'esthétique dramatique. Si le poète a conduit rationnellement son œuvre du relatif à l'absolu, la mise en