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réduit au silence. La nature n'agit donc dans la mise en scène que par ses effets simples et généraux, n'engendrant chez les spectateurs que des sensations initiales, simples et générales. Nous arrivons ainsi, par un autre chemin, à la même conclusion que dans le chapitre précédent. Au théâtre, le poète, présent mais silencieux, n'y peut plus animer la nature et lui insuffler, comme dans le roman, une sorte de force passionnelle active. C'est pourquoi, en abordant la scène, l'école naturaliste est contrainte d'abandonner toute sa puissance descriptive, et de sacrifier la nature pour s'attacher aux effets humains et sociaux de la vie.

Quelle est, sous ce rapport et en quelques mots, l'esthétique de l'école? Si je vois juste, la voici, dégagée des théories secondaires qui l'encombrent et présentée sans dénigrement avec toute l'impartialité dont je suis capable. On peut dire, sans exagération, qu'elle est tout entière contenue dans la théorie des milieux. Premièrement, les êtres humains ne peuvent s'abstraire des milieux où ils sont nés, où ils se sont développés et qui déterminent leur mode de sentir, leur mode de penser et leur mode d'agir. Deuxièmement, nulle action dramatique, née du conflit de passions humaines, ne peut s'isoler des milieux où elle se noue, se développe et tend à sa fin.

L'école ne considère plus une passion en soi, mais l'envisage dans ses différents modes et met son ambition à traduire sur la scène, dans toute leur réalité