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L'impression causée par la mise en scène est donc en même temps ressentie par le personnage et par le spectateur, et celui-ci ne comprendrait pas que celui-là y restât insensible. Cela tient sans doute à ce que la nature nous impose sa puissance en la transformant en mouvement et en bruit, double phénomène dont la représentation ne change pas le mode d'action. Quelle qu'en soit la raison d'ailleurs, nous sommes amenés à constater que, dans ce cas, l'évolution du drame est due à une cause naturelle objective.

Mais l'école moderne a fait un pas de plus, en cherchant à donner à l'évolution dramatique une cause naturelle objective, qui s'adressât à celui de nos sens qui est le plus artistique, à celui de la vue. C'est là, en réalité, que commencent les difficultés. Nous allons citer un exemple où l'intention réaliste de l'auteur est pleinement justifiée, ce qui nous permettra de déduire les conditions esthétiques dans lesquelles le problème peut en général être résolu. Je prendrai cet exemple dans le second acte de l'Ami Fritz, et je rappellerai aux lecteurs, qui tous connaissent la pièce, la fontaine où Sûzel vient puiser de l'eau, eau véritable que le public voit couler. Quelques-uns ont critiqué, à tort, à mon sens, cette recherche d'un effet réel. C'est la vue de l'eau qui éveille chez Sichel le désir de boire, et c'est l'action de boire à la cruche que penche la jeune fille qui ramène à la mémoire du rabbin l'histoire touchante de Rébecca et d'Eliézer. Ici, c'est très justement que l'art théâtral s'associe activement à une situation véritablement dramatique; et si on