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l'homme a laissé son âme s'ouvrir aux impressions profondes de la nature et qu'il a associé celle-ci à ses états psychologiques. Mais aujourd'hui toute notre littérature est fortement empreinte de naturalisme. Il n'est donc pas étonnant que la décoration théâtrale et que la mise en scène aient eu l'ambition de se parer de ce charme pittoresque qui a sur nous tant d'empire.

Toutefois, cette ambition n'avait pas eu jusqu'alors de visée plus haute que celle de plaire directement aux spectateurs, et de renforcer la puissance dramatique en dirigeant sur nos yeux ses effets les plus romantiques. Comme la musique dans le mélodrame et dans le vaudeville, la mise en scène n'avait eu jusqu'alors qu'un rôle, celui d'environner le spectateur d'une sorte d'atmosphère passionnelle, et de créer un milieu adapté à l'émotion née du développement de l'action dramatique. La mise en scène a donc été jusqu'à présent une force émotionnelle destinée à agir directement sur le spectateur, absolument comme dans le mélodrame une longue phrase chantée sur le violoncelle agit sur son système nerveux et le dispose à l'attendrissement. Eh bien! sans renoncer à cette puissance du pittoresque que le décorateur continuera à exercer directement sur les spectateurs et qui est en effet sa destination, la mise en scène peut-elle prétendre jouer sur le théâtre le rôle que la nature joue dans notre vie actuelle? Comme la musique, va-t-elle à son tour venir se mêler au drame, en devenir aussi un des personnages et concourir au développement de l'action elle-même?