Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/247

Cette page n’a pas encore été corrigée

toutes les forces naturelles qui assiègent l'homme et les avait uniquement soumis à l'empire des idées. La musique les soumet à l'empire des sensations. La révolution qui s'est opérée insensiblement et qui a fait pénétrer la puissance émotionnelle des sons dans le drame littéraire semble de même ordre que celle qui a fait pénétrer la puissance imaginative des idées dans le drame musical. De telles révolutions sont lentes et ne se font pas par de brusques changements à vue. Dans la nature, il en est de même: chaque goutte d'eau qui tombe ne laisse pas de trace visible, mais au bout d'un certain temps on s'aperçoit que le roc le plus dur s'est creusé sous l'effort incessant des gouttes d'eau. Dans l'art, on ne peut suivre pas à pas les progrès d'une évolution, mais on peut périodiquement mesurer le chemin parcouru. Aujourd'hui, on en sera frappé pour peu que l'on porte son attention sur ce point, il est incontestable que la musique joue un rôle considérable dans nos pièces de théâtre, et qu'elle y apparaît avec sa puissance propre. Tantôt elle agit directement sur l'esprit d'un personnage, tantôt elle prête sa voix à son âme émue et muette; quelquefois, acteur elle-même dans le drame, elle évoque et dessine à nos yeux une image avec une puissance et une précision véritablement magiques et que n'atteindrait pas un récit littéraire. En un mot, la musique est devenue une puissance dramatique; et, comme telle, elle s'associe à l'action, y contribue par l'émotion qu'elle développe dans le héros du drame, et transporte; en nous l'émotion à laquelle il est en proie et