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dans ce cas, la règle prend le nom de procédé. Les procédés, je l'accorde, ont leur utilité et même leur prix, surtout lorsqu'ils portent ce beau nom de traditions, usité à la Comédie-Française. Dès qu'une pièce a fourni une longue carrière, et lorsque des acteurs ont particulièrement brillé dans certains rôles, il est très compréhensible que les nouveaux venus, qui plus tard sont chargés de reprendre ces rôles, s'ingénient à reproduire les effets qui ont si bien réussi à leurs prédécesseurs. La façon de dire ces rôles et d'exécuter tel ou tel jeu de scène, de faire tel geste, de prendre telle attitude, de faire même telle correction au texte, etc., donne donc lieu à ce qu'on appelle des traditions, soit que ces procédés aient été scrupuleusement notés, soit que le nouveau venu ait pu se rendre compte par lui-même du jeu de son prédécesseur, soit qu'ils se soient uniquement transmis de mémoire. Il y a, à la Comédie-Française, un assez grand nombre de jeux de scène qui n'ont pas d'autre raison d'être, et dont on se contente de dire pour les justifier qu'ils sont de tradition. En résumé, la tradition est une expérience accumulée dont il faut tenir grand compte. Il y a certaines façons exquises de dire, certains gestes empreints d'une éloquente grandeur, qui sont tout ce qui nous reste des grands artistes du passé. Toutefois, il ne faut pas que la tradition soit un esclavage, car nous avons vu précisément que quelques rôles peuvent changer d'aspect avec le temps dans la mesure où les idées elles-mêmes des spectateurs se modifient sous l'influence de circonstances