Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/212

Cette page n’a pas encore été corrigée

embrasse le comte Almaviva, tout spectateur attentif à ses propres impressions s'apercevra que la réalité du baiser serait choquante si le rôle de Chérubin était rempli par un homme, et que si elle ne l'est pas, c'est qu'il sait que sous les traits et sous le costume du page c'est une femme qui donne ce baiser à l'acteur qui joue le rôle du comte.

La loi que nous avons cherché à élucider sur la représentation des idées nous permet d'expliquer certains jeux de scène dont la portée soi-disant conventionnelle dépasse de beaucoup la portée absolue. Le mot de convention, dans ces cas-là, ne me paraît cependant juste que si on lui donne uniquement sa signification véritable, qui est celle d'accord entre les manières de voir, et que si on n'y attache pas une idée d'arbitraire. Or, l'accord entre les manières de voir n'est autre chose que la possession commune d'une image générale identique. Dans le code du monde, par exemple, un homme est considéré comme outragé si un adversaire ou un ennemi ose lever la main sur lui et il se battra pour venger son honneur. Voilà l'idée générale. Cependant il y aura des hommes qui ne se sentiront outragés et qui ne se battront que s'ils ont reçu réellement le soufflet. Voilà l'idée particulière. Or le théâtre ne peut en toute sûreté aborder que la représentation de l'idée générale, de telle sorte que, si le cas particulier devait être représenté, il faudrait de la part de l'auteur beaucoup d'habileté et de préparation pour le faire admettre par le public. Quand nous apprenons qu'un mari a trouvé un homme aux