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Or comme au théâtre il ne s'agit jamais que de la représentation de la vie et de tous les actes qui la composent, ni l'auteur, ni le metteur en scène, ni les acteurs ne doivent s'attacher à reproduire la réalité, mais seulement l'image qui est la représentation idéale du réel.

Un acteur doit donc être un observateur de la nature, non pour transporter servilement ses observations sur la scène, mais pour enregistrer en lui tous les traits communs dont se compose synthétiquement l'idée ou l'image qu'il s'efforcera de reproduire. C'est pour cela que dans la carrière du comédien l'intuition lui est d'un si grand secours; car, après le travail inconscient de généralisation qui se produit en lui, cette faculté d'introspection lui permet d'avoir une vue très nette de l'image intérieure qui s'est formée dans son esprit; et c'est précisément cette vue très claire des idées qui fait les grands comédiens. Si l'un d'eux doit représenter une scène de folie, ira-t-il à Bicêtre étudier un fou particulier dont il s'efforcera de reproduire identiquement les airs, les gestes et toutes les manies? Non pas; mais il cherchera dans une visite générale à rassembler dans sa mémoire les traits communs qui se retrouvent dans tous les fous d'une même catégorie; surtout il s'efforcera, par une attention toute subjective, de tirer des ténèbres de son esprit l'idée qu'il se fait d'un fou et de bien se pénétrer, pour les reproduire, des traits qui composent cette image idéale. C'est précisément dans la fixation de cette image subjective