Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/146

Cette page n’a pas encore été corrigée

quand les spectateurs sont en quelque sorte emportés hors d'eux-mêmes, c'est à la puissance sur soi-même que se reconnaissent précisément les grands acteurs.

Mais on conçoit que pour faire produire à la représentation d'une œuvre classique tout ce qu'elle doit donner, il faut une savante et minutieuse préparation. Or existe-t-il ou a-t-il existé quelque part un modèle que nous devions nous efforcer de reproduire dans la mise en scène tragique? Voilà, il semble, la question dont la réponse déterminera la direction de nos efforts dans la préparation d'une représentation théâtrale. Eh bien, on peut affirmer que ce modèle n'existe et n'a jamais existé que dans notre imagination. Tout d'abord, si nous remontons le cours de notre propre histoire littéraire, nous verrons comment ce modèle imaginé a été long à se former en nous. La mise en scène s'est bien lentement perfectionnée et nos idées sur le costume datent à peu près de la fin du siècle dernier. Le costume tragique était jadis de pure fantaisie, un mélange d'éléments modernes et anciens, un composé de plumes, de velours, de soie, le tout s'agençant en forme de tunique à l'antique, retombant sur des cnémides resplendissantes. Quant à la décoration et à la mise en scène, elles étaient ce qu'elles pouvaient au milieu des spectateurs privilégiés qui encombraient la scène. Ce n'est donc pas sur notre propre théâtre que nous pourrions trouver le modèle que nous cherchons. Pouvons-nous espérer, en remontant le cours du temps, le rencontrer sur la scène tragique elle-même où furent représentés les drames