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le répertoire de la Comédie-Française, et que je ne puis jamais relire sans une profonde émotion esthétique, il devra son éternelle jeunesse à la prédominance des traits généraux sur les traits particuliers, ce qui est remarquable dans un sujet qui aurait comporté facilement un abus d'effets représentatifs, tirés de la vie orientale et des mystères qui planent sur les drames des harems, abus dans lequel ne manquerait peut-être pas de tomber un auteur moderne.

Quelle que soit la prédilection que j'éprouve personnellement pour Racine, je ne crois cependant pas que l'on puisse dire que Corneille et Racine aient été de plus grands poètes que Victor Hugo. Si donc ce n'est pas dans l'inégalité de leur génie poétique que gît la différence de vitalité de leurs œuvres dramatiques, il faut en faire remonter la cause à un excès de richesse dans l'imagination de Victor Hugo, qui l'a entraîné à un abus perpétuel d'effets uniquement représentatifs et à une recherche purement épique du pittoresque et de la couleur locale. Dans les préfaces ou les notes qui accompagnent ses pièces imprimées, Victor Hugo se fait un mérite d'avoir puisé une foule de traits particuliers, peu connus, dans tel ou tel auteur espagnol ou anglais; ce serait, en effet, un mérite pour un historien, mais ce n'en est pas un pour un poète dramatique. Ce que celui-ci doit au public, ce sont des êtres purement humains, uniquement revêtus, s'ils sont étrangers, de traits généraux suffisants à les faire reconnaître pour tels. Ajoutons d'ailleurs, pour être juste, qu'une aussi vaste imagination,