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lorgnette est nécessaire pour corriger une infirmité de la vue et même de l'ouïe; pour satisfaire un goût plastique, s'il s'agit de la beauté des actrices, ou, à un point de vue plus spécial, pour étudier les jeux de physionomie d'un acteur. En dehors de ces quelques cas, je considère la lorgnette comme essentiellement contraire au plaisir purement artistique que nous allons chercher au théâtre. Ce point écarté, je reviens à la loi d'apparence.

Si nous étalons devant nos yeux, à une distance assez faible pour que nous puissions saisir les détails des objets, un morceau de marbre, de pierre, d'ivoire, de bois, de carton ou de toile, de soie, de velours, nous remarquerons que la vue de ces différents objets éveille en nous une foule de sensations tactiles qui, même sans que nous les éprouvions directement, nous sont absolument indispensables pour formuler un jugement sur la nature réelle des objets. Il semble que nous les touchions, et si nous les touchions réellement les sensations éprouvées seraient plus fortes, mais nullement différentes de celles que la vue avait suffi à déterminer en nous. Or, au théâtre, le tact ne peut pas s'exercer, et la distance est toujours assez grande pour que les sensations tactiles associées aux sensations optiques soient excessivement faibles, car ce ne sont que des réminiscences. La distance, en effet, ne nous permet pas d'apprécier le poli du marbre, la transparence de l'ivoire, la qualité fibreuse du bois, la trame soyeuse des étoffes, non plus que l'habileté du tissage ou du brochage. Nos sensations