Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
60
VATHEK,

Il grondoit plus fort encore que le tonnerre, & lâchoit quelquefois le mot de potence, qui ne flattoit pas bien agréablement les oreilles littéraires. Enfin, ne voulant plus suivre que ses idées, il ordonna de traverser des rochers escarpés, & de prendre un chemin qu’il croyoit devoir le conduire en quatre jours à Rocnabad : on eut beau faire des remontrances, son parti étoit pris.

Les femmes & les eunuques, qui n’avoient jamais rien vu de pareil, frémissoient à l’aspect des gorges des montagnes, & faisoient des cris pitoyables en voyant les horribles précipices qui bordoient le sentier rapide où l’on étoit. La nuit tomba avant que le cortège eût atteint le sommet du plus haut rocher. Alors, un vent impétueux mit en pièces les rideaux des palanquins & des cages, & laissa les pauvres dames exposées à toutes les fureurs de l’orage. L’obscurité du ciel augmentoit la terreur de cette nuit désastreuse ; aussi n’étoit-ce que miaulement des pages & pleurs des demoiselles.

Pour surcroît de malheur, on entendit des rugissemens effroyables, & bientôt on apperçut dans l’épaisseur des forêts des yeux flamboyans, qui ne pouvoient être que ceux de diables ou de