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CONTE ARABE.

harems, & les dépouilloit de leurs pierreries. Toutes les couturières, toutes les brodeuses de Samarah & des autres grandes villes à cinquante lieues à la ronde, travailloient sans relâche aux palanquins, aux sophas, aux canapés & aux litières qui devoient embellir le train du Monarque. On enleva toutes les belles toiles de Masulipatan, & on employa tant de mousseline pour enjoliver Bababalouk & les autres eunuques noirs, qu’il n’en restoit pas une aune dans tout l’Iraque Babylonien.

Pendant que ces préparatifs se faisoient, Carathis donnoit de petits soupers pour se rendre agréable aux puissances ténébreuses. Les dames les plus fameuses par leur beauté y étoient invitées. Elle recherchoit sur-tout les plus blanches & les plus délicates. Rien n’étoit aussi élégant que ces soupers ; mais lorsque la gaîté devenoit générale, ses eunuques faisoient couler sous la table des vipères, & y vuidoient des pots remplis de scorpions25. On pense bien que tout cela mordoit à merveille. Carathis faisoit semblant de ne pas s’en appercevoir, & personne n’osoit bouger. Lorsqu’elle voyoit que les convives alloient expirer, elle s’amusoit à panser quelques plaies avec une excellente thériaque de