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couler en ce lieu que pour mieux imiter le jardin d’Eden arrosé des fleuves sacrés. Sur leurs bords verdoyants, le rossignol chantoit la naissance de la rose, sa bien-aimée, & se plaignoit du peu de durée de ses charmes ; la tourterelle déploroit la perte de plaisirs plus réels, tandis que l’alouette saluoit par ses chants la lumière qui ranime la nature : là, plus qu’en aucun lieu du monde, le gazouillement des oiseaux exprimoit leurs diverses passions ; les fruits délicieux qu’ils béquetoient à plaisir, sembloient leur donner une double énergie.

On portoit quelquefois Vathek sur cette montagne, afin qu’il pût y respirer un air pur, & boire à son gré des quatre sources. Sa mère, ses femmes & quelques eunuques étoient les seules personnes qui l’accompagnoient. Chacun s’empressoit à remplir de grandes coupes de crystal de roche, & les lui présentoit à l’envi ; mais leur zèle ne répondoit pas à son avidité ; souvent il se couchoit par terre, pour lapper l’eau.

Un jour que le déplorable prince étoit resté long-temps dans une posture aussi vile, une voix rauque, mais forte, se fit entendre, & l’apostropha ainsi : « Pourquoi fais-tu l’exercice d’un chien ?