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ter celui du Goût qu’aucun autre, il ordonna qu’on y servît un splendide festin, auquel ses favoris et tous les grands officiers furent admis. L’Indien, placé à côté du Calife, feignit de croire que, pour mériter autant d’honneur, il ne pouvait trop manger, trop boire ni trop parler. Les mets disparaissaient de la table aussitôt qu’ils étaient servis. Tout le monde se regardait avec étonnement ; mais l’Indien, sans faire semblant de s’en apercevoir, buvait des rasades à la santé de chacun, chantait à tue-tête, contait des histoires dont il riait à gorge déployée, et faisait des impromptus qu’on aurait applaudis, s’il ne les eût pas déclamés avec des grimaces affreuses : durant tout le repas, il ne cessa de bavarder autant que vingt astrologues, de manger plus que cent portefaix, et de boire à proportion.

Malgré qu’on eût couvert la table trente-deux fois, le Calife avait souffert de la voracité de son voisin. Sa présence lui devenait insupportable, et il pouvait à peine ca-