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humains. Je puis me prévaloir avec bien plus de raison de l’exemple de quelques sociétés qui se sont abstenues d’employer la peine de mort, quoique pendant un court espace de temps ; car c’est la nature & le sort des grandes vérités, que leur durée n’est qu’un éclair en comparaison de la longue & ténébreuse nuit qui enveloppe le genre humain. Ces temps fortunés ne sont pas arrivés encore, où la vérité sera, comme l’a été jusqu’à présent l’erreur, le partage du plus grand nombre.

Je sens que la voix d’un Philosophe est trop faible pour s’élever au-dessus du tumulte & des cris de tant d’hommes asservis aux préjugés d’une coutume aveugle. Mais le petit nombre de Sages répandus sur la terre m’entendront & me répondront du fond de leur cœur. Et si cette vérité, que tant d’obstacles éloignent des Princes, malgré eux, peut parvenir jusqu’à leur trône, qu’ils sachent qu’elle y arrive avec les vœux secrets de tous les hommes. Que le Souverain qui l’accueillera sache que sa gloire effacera celle des Conquérants, & que l’équitable postérité placera ses pacifiques trophées au-dessus de ceux des Titus, des Antonins & des Trajans.

Heureuse l’humanité, si elle recevait pour la première fois des lois, aujourd’hui que nous voyons placés sur les Trônes de l’Europe des Monarques bienfaisants, amis