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CHAPITRE XII.

de ce raisonnement : « Moi, juge, il faut que je trouve un coupable. Toi, qui es vigoureux, tu as su résister à la douleur, et pour cela je t’absous. Toi, qui es plus faible, tu as cédé à la force des tourmens ; ainsi, je te condamne. Je sens bien qu’un aveu arraché par la violence de la torture n’a aucune valeur ; mais, si tu ne confirmes à présent ce que tu as confessé, je te ferai tourmenter de nouveau[1]. »

  1. « Une femme veuve ayant disparu tout à coup du village d’Icci, où elle demeurait, sans être aperçue dès-lors dans aucun lieu du voisinage, le bruit courut qu’elle avait péri par la main de quelque scélérat, qui avait enseveli son corps à l’écart, pour mieux cacher son crime. Le juge criminel de la province ordonna des perquisitions. Ses officiers aperçurent par hasard un homme caché dans des broussailles ; il leur parut effrayé et tremblant ; ils s’en saisirent, et sur le simple soupçon qu’il était l’auteur du crime, on le déféra au présidial de la province. Cet homme parut supporter courageusement la torture ; mais, apparemment par pur désespoir et las de la vie, il finit par se reconnaître coupable du meurtre. Sur ses aveux, mais sans autres preuves, il fut condamné et puni de mort. L’événement seul justifia son innocence. Deux ans après son supplice, la femme, que l’on croyait morte et qui n’était qu’absente, revint au village. La voix publique s’éleva contre les juges. Ils avaient condamné le pré-