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SUPP. CHAP. X.

soumises à des lois toutes différentes de celles de la terre. Pourquoi compromettre ces lois les unes avec les autres ? Pourquoi placer l’homme dans l’affreuse alternative d’offenser Dieu, ou de se perdre lui-même ? C’est ne laisser à l’accusé que le choix d’être mauvais chrétien, ou martyr du serment. On détruit ainsi toute la force des sentimens religieux, unique soutien de l’honnêteté dans le cœur de la plupart des hommes[1] ; et peu à peu les sermens ne sont plus qu’une simple formalité sans conséquence.

Que l’on consulte l’expérience, on reconnaîtra que les sermens sont inutiles, puisqu’il n’y a point de juge qui ne convienne que jamais le serment n’a fait dire la vérité à un coupable.

La raison fait voir que cela doit être ainsi, parce que toutes les lois opposées aux senti-

  1. Cette proposition n’est ni vraie ni philosophique. L’auteur, en l’adoptant, met dans les mains des dévôts fanatiques une arme dangereuse dont ils se serviront contre lui-même. C’est cette maxime qui est le prétexte dont on colore les persécutions qu’on fait éprouver aux lettres et à la philosophie. D’ailleurs, cette opinion ne cadre pas avec toutes les autres idées répandues dans cet excellent ouvrage. (Note inédite de l’abbé Morellet.)