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DES DÉLITS ET DES PEINES.

par exemple, les accusations de magie et les actions gratuitement cruelles. Dans le premier cas, il vaut mieux croire que les témoins font un mensonge, parce qu’il est plus commun de voir plusieurs hommes calomnier de concert, par haine ou par ignorance, que de voir un homme exercer un pouvoir que Dieu a refusé à tout être créé.

De même, on ne doit pas admettre avec précipitation l’accusation d’une cruauté sans motifs, parce que l’homme n’est cruel que par intérêt, par haine, ou par crainte. Le cœur humain est incapable d’un sentiment inutile ; tous ses sentimens sont le résultat des impressions que les objets ont faites sur les sens.

    dis-je, effrayés d’avoir vu condamner quelques innocens, ont surchargé la jurisprudence de formalités et d’exceptions inutiles, dont l’exacte observation placerait l’anarchie et l’impunité sur le trône de la justice. D’autres fois, épouvantés par quelques crimes atroces et difficiles à prouver, ils ont cru devoir négliger ces mêmes formalités qu’ils avaient établies. C’est ainsi que, dominés tantôt par un despotisme impatient, tantôt par des craintes puériles, ils ont fait, des jugemens les plus graves, une espèce de jeu livré au hasard et aux caprices de l’arbitraire. (Note de l’auteur.)