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DES DÉLITS ET DES PEINES.

pour juger d’après ce résultat même, il ne faut que le simple bon sens ; et ce guide est moins trompeur que tout le savoir d’un juge, accoutumé à ne chercher partout que des coupables, et à tout ramener au système qu’il s’est fait d’après ses études.

Heureuses les nations chez qui la connaissance des lois ne serait pas une science !

C’est une loi bien sage et dont les effets sont toujours heureux, que celle qui prescrit que chacun soit jugé par ses pairs ; car lorsqu’il s’agit de la fortune et de la liberté d’un citoyen, tous les sentimens qu’inspire l’inégalité doivent se taire. Or, le mépris avec lequel l’homme puissant regarde celui que l’infortune accable, et l’indignation qu’excite dans l’homme de condition médiocre la vue du coupable qui est au-dessus de lui par son rang : ces sentimens dangereux n’ont pas lieu dans les jugemens dont je parle.

Quand le coupable et l’offensé sont de conditions inégales, les juges doivent être pris, moitié parmi les pairs de l’accusé, et moitié parmi ceux de l’offensé, afin de balancer ainsi les intérêts personnels qui modifient malgré nous les apparences des objets, et de ne laisser parler que la vérité et les lois.