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DES DÉLITS ET DES PEINES.

fait les meilleures lois possibles. D’après cette idée si naturelle à l’homme, ils n’ont pas manqué de déclarer que ces lois seraient à jamais irrévocables. Ils ont été jusqu’à interdire toute espèce d’examen, et, à plus forte raison, toute révocation. Plusieurs anciens législateurs ont prononcé la peine de mort contre ceux qui proposeraient à leurs lois le plus léger changement. On connaît l’action de Licurgue, ou du moins le conte qu’on fait de lui, et qui prouve l’esprit général de tous les législateurs. Il fit jurer aux Spartiates de ne rien changer à ses lois, jusqu’à son retour d’un voyage qu’il allait, disait-il, faire à Delphes ; et il s’exila ensuite volontairement, pour forcer ses concitoyens à en maintenir l’observation.

» Celui qui voulait proposer un changement à une loi, devait se présenter dans l’assemblée du peuple, la corde au cou, et être étranglé sur-le-champ, si le changement qu’il proposait était rejeté. Tous les fondateurs d’ordres religieux ont eu la même manie de regarder chacune de leurs lois comme irrévocable. C’est non-seulement le style, mais l’esprit de toutes les chancelleries des nations policées de l’univers : Déclarons et statuons par le présent édit perpétuel et irrévocable… Et voilà sans doute un des plus grands obstacles qui s’opposent au perfectionnement des lois, dans toutes les sociétés politiques.

» Or, cet obstacle doit son existence et sa force