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raisonne : puisqu’il y a sept éditions, il y a donc au moins sept mille personnes qui lisent ce livre, et croyez que la plus grande partie de ceux qui le lisent en goûtent et en adoptent les principes, parce que, comme vous l’avez fort bien dit, à parler généralement, les tyrans ne lisent point. Voilà donc bien des disciples de la raison qui en feront d’autres, bien des écoles ouvertes, et bien de l’instruction répandue ; et quel obstacle peut tenir contre l’action universelle (et s’exerçant à la fois comme elle s’exercera un jour) de la lumière, de la raison, et de l’opinion publique ? Mon cher ami, c’est sur l’opinion publique qu’il faut compter. Ni M. de Voltaire, ni M. d’Alembert, ni Rousseau, ni vous, ai aucun philosophe, ne produirez sur l’esprit de ceux qui gouvernent, un effet immédiat. Nous agirons sur l’opinion publique ; et l’opinion publique subjuguera enfin les fanatiques et même les tyrans, les uns après les autres.

Je reviens à votre ouvrage : vous avez raison d’attendre mes observations et celles de mes amis, avant de me communiquer les vôtres. Je vous demande encore un peu de temps, et vous serez satisfait. Je pense d’ailleurs que vous aurez des critiques ; il faut qu’elles soient publiques pour en profiter. Certainement, je traduirai votre nouvelle édition ; et cette occupation me sera douce et chère. Vous êtes trop obligeant de m’en montrer quelque reconnaissance. Le plaisir que j’ai eu à vous traduire peut vous en dispenser. Vous m’avez payé avec usure de la peine que je me suis donnée…

Je suis, etc.

Morellet.
FIN.