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que depuis cinq années dans la carrière des lettres.

Il me serait impossible de vous peindre, monsieur, la satisfaction avec laquelle je vois l’intérêt que vous prenez à moi, et combien je suis touché des marques d’estime que vous me donnez, et que je ne puis accepter sans en être vain, ni rejeter sans vous faire injure. J’ai reçu avec la même reconnaissance et la même confusion, les choses obligeantes que vous me dites de la part de ces hommes célèbres qui honorent l’humanité, l’Europe et leur nation. D’Alembert, Diderot, Helvétius, Buffon, Hume, noms illustres et qu’on ne peut entendre prononcer sans être ému, vos ouvrages immortels sont ma lecture continuelle, objet de mes occupations pendant les jours, et de mes méditations dans le silence des nuits. Rempli des vérités que vous enseignez, comment aurais-je pu encenser l’erreur adorée, et m’avilir jusqu’à mentir à la postérité ?…

Mon unique occupation est de cultiver en paix la philosophie, et de contenter ainsi trois sentimens très-vifs en moi, l’amour de la réputation littéraire, celui de la liberté, et la compassion pour les malheurs des hommes, esclaves de tant d’erreurs. Je date de cinq ans l’époque de ma conversion à la philosophie, et je la dois à la lecture des Lettres Persanes.

Le second ouvrage qui acheva la révolution dans mon esprit, est celui de M. Helvétius. C’est lui qui m’a poussé avec force dans le chemin de la vérité, et qui a le premier réveillé mon attention sur l’aveuglement et les malheurs de l’humanité. Je dois à la lecture de l’Esprit une grande partie de mes idées…