Page:Beccaria - Des délits et des peines, traduction CY, Brière, 1822.djvu/441

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tivement à moi en particulier, j’aurais fait bien peu de progrès dans la philosophie du cœur, que je mets au-dessus de celle de l’esprit, si je n’avais pas acquis le courage de voir et d’aimer la vérité. J’espère que la cinquième édition qui doit paraître incessamment, sera bientôt épuisée ; et je vous assure que dans la sixième, j’observerai entièrement ou presqu’entièrement l’ordre de votre traduction, qui met dans un plus grand jour les vérités que j’ai tâché de recueillir. Je dis presqu’entièrement, parce que d’après une lecture unique et rapide que j’ai faite jusqu’à ce moment, je ne puis pas me décider avec une entière connaissance de cause sur les détails, comme je le suis déjà sur l’ensemble.

L’impatience que mes amis ont de lire votre traduction, m’a forcé, monsieur, de la laisser sortir de mes mains aussitôt après l’avoir lue, et je suis obligé de remettre à une autre lettre l’explication de quelques endroits que vous avez trouvés obscurs. Mais je dois vous dire que j’ai eu, en écrivant, les exemples de Machiavel, de Galilée et de Giannone devant les yeux. J’ai entendu le bruit des chaînes que secoue la superstition, et les cris du fanatisme étouffant les gémissemens de la vérité. La vue de ce spectacle effrayant m’a déterminé à envelopper quelquefois la lumière de nuages. J’ai voulu défendre l’humanité sans en être le martyr. Cette idée, que je devais être obscur, m’a quelquefois même rendu tel sans nécessité. Ajoutez à cela l’inexpérience et le défaut d’habitude d’écrire, qui sont pardonnables à un auteur qui n’a que vingt-sept ans, et qui n’est entré