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l’on peut concilier ces deux choses ensemble. Reste donc à examiner si j’ai réussi dans cette conciliation.

Si ma traduction a moins de chaleur que l’original, il faudrait attribuer ce défaut à beaucoup d’autres causes, et non pas à la différence de l’ordre. Ce serait ou la faiblesse du style du traducteur, ou la nature même de toute traduction qui doit demeurer au-dessous de l’original, sur-tout dans les choses de sentiment.

Je ne dois pas vous dissimuler une autre objection qu’on m’a faite. On m’a dit qu’un auteur pouvait être blessé de voir faire dans son ouvrage des changemens, même utiles. Mais, monsieur, cette manière de voir ne saurait être la vôtre. Au moins je l’ai pensé. Un homme de génie qui a fait un ouvrage admiré, rempli d’idées neuves et fortes, et excellent pour le fonds, doit pouvoir entendre dire froidement que son livre n’a pas tout l’ordre dont il était susceptible. Il doit aller même jusqu’à adopter les changemens qu’on y aura faits, s’ils sont utiles et appuyés de bonnes raisons. Voilà le courage que j’attends de vous, monsieur. Rejetez parmi les changemens que j’ai faits, ceux qui vous paraîtront mal entendus ; conservez ceux qui sont bien, et croyez que vous n’aurez fait qu’augmenter votre réputation. Vous êtes digne que j’aie avec vous cette confiance, et je me flatte que vous m’en saurez gré.

J’achèverai ma justification en vous citant de grandes autorités qui ont approuvé la liberté que j’ai prise. M. d’Alembert me permet de vous dire que c’est là son opinion. M. Hume, qui a lu avec beaucoup de soin l’original et la traduction, est du même