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Mais le supplice le plus cruel, celui qui ne porte que sur des innocens, c’est sans doute l’extension affreuse que les lois ont voulu donner à l’opprobre, en y faisant participer les parens du criminel.

Cette peine, injuste en elle-même, et dont la loi ne trouve l’exécution que dans l’absurdité des préjugés auxquels un grand nombre de gens est malheureusement livré, n’a pu être établie qu’afin d’exciter dans l’intérieur des familles un grand intérêt de prévenir le crime. Mais si l’on considère que l’autorité qu’elles peuvent exercer n’est fondée que sur des sentimens dont le germe est étouffé dans le cœur des scélérats, l’inutilité de la loi prouvée, on n’en sentira plus que l’injustice.


« Afin que chaque espèce de crime soit plus rare, en proportion du mal qu’il fait à la société », il faut nécessairement que du plus grand crime au moindre délit, il y ait une gradation de peine, et que sur-tout l’intention du coupable ne soit jamais punie, parce que l’intention de faire le mal n’en fait aucun, et que les lois qui doivent prévenir le crime, ne doivent point faire qu’il soit égal d’en avoir eu l’intention où de l’avoir remplie. La volonté de faire le bien ne suffit pas pour mériter une récompense.

Presque toutes les lois ne font que châtier. Si l’on y joignait des lois qui récompensassent et qui fussent également la juste mesure des actions utiles à la société, ce second moyen d’ordre serait sans doute aussi efficace que le premier.


Si la loi inflige la peine d’infamie, et que le pré-