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loi, la première de toutes, l’oblige à changer ou à annuler la loi qui ne produit pas le bien qu’il s’était proposé.

Il existe peut-être des monstres qui n’ont besoin d’aucun secours pour commettre des forfaits ; mais en général les hommes ne se corrompent que par degrés. Enfans de la société, le souvenir de l’état où ils ont craint pour eux-mêmes s’efface lentement ; celui qui a peur des voleurs n’est pas prêt à le devenir, et celui dont le tempérament sera faible les craindra toujours.

Ce n’est donc que dans la fougue des passions, qui se développent en raison de la bonne constitution du physique, qu’il faut trouver le moteur du crime : dans cet état, l’homme livré à des besoins que la débauche multiplie, ne trouve que dans le crime le moyen de les satisfaire, et n’hésite plus que par la crainte du supplice ; mais c’est de cette crainte qu’il est honteux, et non pas de l’infamie que les préjugés ont attachée à la roue ; et c’est d’abord sur cette crainte qu’il veut exercer son courage. Les supplices, qui sont le spectacle du peuple, l’aideront à la surmonter ; il concevra, en les voyant, qu’on peut souffrir sur la roue ; mais il s’en retournera certain que celui qui vient d’y expirer ne souffre plus ; l’horreur des tourmens s’atténuera, et l’homme le mieux constitué sera le plus tôt aguerri.

Je remarquerai ici que les nations les plus belliqueuses ont toujours eu des gladiateurs dont l’objet était d’accoutumer la nature à voir l’image de la destruction sans horreur ; et si l’on envisage l’effet