Page:Beccaria - Des délits et des peines, traduction CY, Brière, 1822.djvu/404

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dû être que le cri de la nature et du désir de la conservation, non point des conventions entre des hommes libres.

Les besoins des hommes, plus aisés à satisfaire en communauté qu’autrement, sont l’origine des premières sociétés. Ils sont encore la chaîne qui unit les familles, les provinces et les nations. Les lois n’ont point été les conditions de ces premiers attroupemens, parce que les hommes isolés, cherchant à se rassembler, sentaient bien qu’ils pouvaient s’être utiles réciproquement ; mais ils n’ont pas senti dans le premier instant, qu’ils pouvaient se nuire.

Cependant l’intérêt personnel fit bientôt naître l’esprit de propriété, qui, se développant plus fortement dans l’un de ces individus, lui fit commettre le premier crime, l’assassinat de son voisin, afin de s’emparer de sa femme ou de son travail.

Sans doute un tel forfait n’avait pas été prévu : comme les premiers hommes étaient sans crime, ils étaient sans lois. Cependant le coupable fut puni de mort. Les bêtes féroces que l’on cherchait à détruire étaient moins dangereuses que ce monstre : l’intérêt particulier, effrayé pour lui-même, fit masse commune contre l’intérêt du coupable ; et la punition, que l’auteur appelle un meurtre public, précéda la sentence. Ce sont là sans doute les premiers sentimens du cœur de l’homme, lorsqu’il est fortement offensé.

Voyons actuellement si la punition du coupable fut légitime, quoiqu’il n’eût cédé à personne le droit de le punir.