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pas soutenir que l’on doive infliger la peine de mort, lors même qu’elle n’est ni vraiment utile, ni nécessaire. Un propos aussi cruel et aussi scandaleux, ne peut sortir de la bouche d’un chrétien. Si la seconde partie du syllogisme n’est pas exacte, ce sera un crime de lèse-logique, et jamais de lèse-majesté. On peut d’ailleurs excuser mes prétendues erreurs ; elles ressemblent à celles que suivirent tant de chrétiens zélés de la primitive église[1] ; elles ressemblent à celles que suivaient les moines du temps de Théodose-le-grand, sur la fin du ive siècle. Muratori en parle dans ses Annales d’Italie, à l’année 389 ; il dit que : « Théodose fit une loi par laquelle il ordonnait aux moines de rester dans leurs couvens, parce qu’ils poussaient la charité pour le prochain, jusqu’à enlever les criminels des mains de la justice, ne voulant pas qu’on fît mourir personne. » Ma charité ne va pas si loin, et je conviendrai sans peine que celle de ces temps-là se conduisait sur de faux principes. Une action violente contre l’autorité publiques est toujours criminelle.

Il me reste encore deux mots à dire. Est-il une loi dans le monde qui défende de dire ou d’écrire qu’un état peut exister et conserver la paix dans son inté-

  1. On peut consulter les saints Pères, et entre autres Tertullien dans son Apolog., chap. 37, où il dit que les Chrétiens avaient pour maxime de souffrir plutôt la mort eux-mêmes, que de la donner à personne. Et dans son traité de l’idolâtrie, chap. 18 et 19, il condamne toute espèce de charges publiques, comme interdites aux Chrétiens, parce qu’on ne pouvait pas les exercer sans être quelquefois obligé de prononcer la peine de mort contre les criminels. (Note de l’auteur.)