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de poursuivre pour ce crime ceux qui, par hasard, auraient jeté une pierre contra la statue d’un empereur. Domitien condamna à mort une dame romaine, pour s’être déshabillée devant sa statue. Tibère fit mourir, comme criminel de lèse-majesté, un citoyen qui avait vendu une maison où se trouvait la statue de l’empereur.

Dans des siècles moins éloignés du nôtre, il verra Henri VIII abuser tellement des lois, qu’il voulut faire périr par un supplice infâme, le duc de Norfolk, sous prétexte du crime de lèse-majesté, parce qu’il avait ajouté les armes d’Angleterre à celles de sa famille. Ce monarque en vint jusqu’à déclarer coupable du même crime, quiconque oserait prévoir la mort du prince ; d’où il arriva que dans sa dernière maladie, ses médecins refusèrent de l’avertir du danger où il se trouvait.

10o « Selon l’auteur du livre des Délits et des Peines, les hérétiques anathématisés par l’église, et proscrits par les princes, sont victimes d’un mot. »

Toutes ces interprétations sont arrachées. Je n’ai parlé que du crime de lèse-majesté humaine ; et ce mot de lèse-majesté a servi souvent de prétexte à la tyrannie, sur-tout du temps des empereurs romains. Toute action qui avait le malheur de leur déplaire, devenait aussitôt un crime de lèse-majesté. Suétone dit que le crime de lèse-majesté était le délit de ceux qui n’en avaient commis aucun. Si j’ai dit que l’ignorance et la tyrannie ont donné ce nom à des délits