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9o « L’hérésie ne peut pas s’appeler crime de lèse-majesté divine, selon l’auteur du livre des Délits et des Peines. »

Il n’y a pas un mot dans tout mon livre, qui puisse donner lieu à cette imputation. Je ne me suis proposé que d’y traiter des délits et des peines, et non pas des péchés.

J’ai dit, en parlant du crime de lèse-majesté, que l’ignorance et la tyrannie, qui confondent les mots et les idées les plus claires, peuvent seules appeler de ce nom, et punir comme tels, du dernier supplice, des délits d’une nature différente. Le critique ne sait peut-être pas combien, dans les temps de tyrannie et d’ignorance, on abusa du mot de lèse-majesté, en appliquant à des délits d’un genre très-éloigné, puisqu’ils n’allaient pas immédiatement à la destruction de la société. Qu’il consulte la loi des empereurs Gratien, Valentinien et Théodose ; elle regarde comme criminels de lèse-majesté, ceux mêmes qui osent douter de la bonté du choix de l’empereur, lorsqu’il a conféré quelque emploi. Une autre loi de Valentinien, de Théodose et d’Arcadius, lui apprendra que les faux-monnoyeurs étaient aussi criminels de lèse-majesté. Il fallait un décret du sénat pour décharger de l’accusation de lèse-majesté, celui qui avait fondu des statues des empereurs, quoique vieilles et mutilées. Ce ne fut qu’après un édit des empereurs Sévère et Antonin, qu’on cessa d’intenter l’action de lèse-majesté contre ceux qui vendaient les statues des empereurs ; et ces princes firent un décret qui défendait