Page:Beccaria - Des délits et des peines, traduction CY, Brière, 1822.djvu/379

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sultes, moins éclairés, et peut-être plus suivis, ont eu une opinion contraire ; ils ont osé dire que la fuite de l’accusé était une preuve du crime ; que le mépris qu’il marquait pour la justice, en refusant de comparaître, méritait le même châtiment que s’il était convaincu. Ainsi, suivant la secte des jurisconsultes que le juge aura embrassée, l’innocent sera absous ou condamné.

C’est un grand abus dans la jurisprudence française, que l’on prenne souvent pour loi les rêveries et les erreurs, quelquefois cruelles, d’hommes sans aveu qui ont donné leurs sentimens pour des lois.

Sous le règne de Louis XIV on a fait deux ordonnances qui sont uniformes dans tout le royaume. Dans la première, qui a pour objet la procédure civile, il est défendu aux juges de condamner, en matière civile, sur défaut, quand la demande n’est pas prouvée ; mais dans la seconde, qui règle la procédure criminelle, il n’est point dit que faute de preuves l’accusé sera renvoyé. Chose étrange ! La loi dit qu’un homme à qui on demande quelque argent ne sera condamné par défaut qu’au cas que la dette soit avérée ; mais s’il est question de la vie, c’est une controverse au bar-