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d’état. Celui-ci alla trouver le grand écuyer Cinq-Mars, et fit ce qu’il put pour le détourner de cette entreprise ; il lui en remontra les difficultés. S’il eût alors dénoncé les conspirateurs, il n’avait aucune preuve contre eux ; il eût été accablé par la dénégation de l’héritier présomptif de la couronne, par celle d’un prince souverain, par celle du favori du roi, enfin par l’exécration publique. Il s’exposait à être puni comme un lâche calomniateur.

Le chancelier Seguier même en convint, en confrontant De Thou avec le grand écuyer. Ce fut dans cette confrontation que De Thou dit à Cinq-Mars ces propres paroles mentionnées au procès-verbal : « Souvenez-vous, Monsieur, qu’il ne s’est point passé de journée que je ne vous aie parlé de ce traité, pour vous en dissuader. » Cinq-Mars reconnut cette vérité. De Thou méritait donc une récompense plutôt que la mort, au tribunal de l’équité humaine. Il méritait au moins que le cardinal de Richelieu l’épargnât ; mais l’humanité n’était pas sa vertu. C’est bien ici le cas de quelque chose de plus que summum jus, summa injuria. L’arrêt de mort de cet homme de bien porte : « Pour avoir eu connaissance