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DES DÉLITS ET DES PEINES.

et de faire cesser les exemples trop fréquens de cette froide atrocité, que les hommes puissans regardent comme un de leurs droits.

Et pourtant, les douloureux gémissemens du faible, sacrifié à la cruelle ignorance ou aux lâches opulens ; les tourmens affreux que la barbarie prodigue pour des crimes sans preuves, ou pour des délits chimériques ; le hideux aspect des prisons et des cachots, dont l’horreur s’augmente encore par le supplice le plus insupportable pour les malheureux, l’incertitude ; tant d’usages odieux, partout répandus, auraient dû réveiller l’attention des philosophes, de cette sorte de magistrats, dont l’emploi est de diriger et de fixer les opinions humaines.

L’immortel Montesquieu n’a pu traiter que par occasion ces matières importantes. Si j’ai suivi les traces lumineuses de ce grand homme, c’est que la vérité est une, et partout la même. Mais ceux qui savent penser (et c’est pour ceux-là seulement que j’écris) sauront distinguer mes pas des siens. Heureux si, comme lui, je puis être l’objet de votre secrète reconnaissance, ô vous, disciples obscurs et paisibles de la raison ! Heureux si je puis exciter quelquefois ce frémissement, par lequel les âmes