Page:Beccaria - Des délits et des peines, traduction CY, Brière, 1822.djvu/334

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il reconnaît pour ses favorites. Ce sceau du diable est un petit seing qui rend la peau insensible, comme l’affirment tous les jurisconsultes démonographes de ce temps-là.

Le diable ordonna à Michelle Chaudron d’ensorceler deux filles. Elle obéit à son seigneur ponctuellement. Les parens des filles l’accusèrent juridiquement de diablerie. Les filles furent interrogées et confrontées avec la coupable ; elles attestèrent qu’elles sentaient continuellement une fourmilière dans certaines parties de leur corps, et qu’elles étaient possédées. On appela les médecins, ou du moins ceux qui passaient alors pour médecins. Ils visitèrent les filles. Ils cherchèrent sur le corps de Michelle le sceau du diable, que le procès-verbal appelle les marques sataniques. Ils y enfoncèrent une longue aiguille, ce qui était déjà une torture douloureuse. Il en sortit du sang, et Michelle fit connaître par ses cris, que les marques sataniques ne rendent point insensible. Les juges ne voyant pas de preuves complètes que Michelle Chaudron fût sorcière, lui firent donner la question, qui produit infailliblement des preuves : cette malheureuse, cédant à la violence des tourmens, confessa enfin tout ce qu’on voulut.