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dans son aveuglement, aura profané une image sacrée sans la voler, comme vous avez traité la Brinvilliers, qui avait empoisonné son père et sa famille ? Il n’y a point de loi expresse contre ce malheureux, et vous en feriez une pour le livrer au plus grand supplice ! Il mérite un châtiment exemplaire, mais mérite-t-il des tourmens qui effraient la nature, et une mort épouvantable ?

Il a offensé Dieu ! oui, sans doute, et très-gravement ; usez-en avec lui comme Dieu même. S’il fait pénitence, Dieu lui pardonne ; imposez-lui une pénitence forte, et pardonnez-lui.

Votre illustre Montesquieu a dit : « Il faut faire honorer la divinité, et ne la venger jamais[1]. » Pesons ces paroles : elles ne signifient pas qu’on doive abandonner le maintien de l’ordre public ; elles signifient, comme le dit le judicieux auteur des Délits et des Peines, qu’il est absurde qu’un insecte croie venger l’Être-Suprême : ni un juge de village, ni un juge de ville, ne sont des Moïse et des Josué.

  1. Esprit des lois, Liv. xii, chap. 4.