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tait donc défendu que de mentir au nom du Dieu qu’on attestait.

Philippe-Auguste, en 1181, avait condamné les nobles de son domaine, qui prononceraient têtebleu, ventrebleu, corbleu, sangbleu, à payer une amende, et les roturiers à être noyés. La première partie de cette ordonnance parut puérile ; la seconde était abominable. C’était outrager la nature, que de noyer des citoyens pour la même faute que les nobles expiaient pour deux ou trois sous de ce temps-là. Aussi cette étrange loi resta sans exécution, comme tant d’autres, sur-tout quand le roi fut excommunié, et son royaume mis en interdit par le pape Célestin III.

Saint Louis, transporté de zèle, ordonna indifféremment qu’on perçât la langue, ou qu’on coupât la lèvre supérieure à quiconque aurait prononcé ces termes indécens. Il en coûta la langue à un gros bourgeois de Paris, qui s’en plaignit au pape Innocent IV. Ce pontife remontra fortement au roi, que la peine était trop forte pour le délit. Le roi s’abstint désormais de cette sévérité. Il eût été heureux pour la société humaine, que les papes n’eussent jamais affecté d’autre supériorité sur les rois.