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DES DÉLITS ET DES PEINES

s’arrête sur le passage périlleux, mais indispensable, de l’ignorance à la philosophie, et par conséquent de l’esclavage à la liberté, on ne verra que trop souvent une génération entière sacrifiée au bonheur de celle qui doit lui succéder.

Mais lorsque le calme est rétabli, lorsqu’on a pu éteindre l’incendie, dont les flammes ont purifié la nation, et l’ont délivrée des maux qui l’opprimaient, la vérité, qui se traînait d’abord avec lenteur, précipite ses pas, siége sur les trônes à côté des monarques, et obtient enfin, dans les assemblées des nations, et sur-tout dans les républiques, un culte et des autels.

Pourra-t-on croire alors que les lumières qui éclairent la multitude sont plus dangereuses que les ténèbres ? Et quel philosophe se persuadera que l’exacte connaissance des rapports qui unissent les objets entre eux, puisse être funeste à l’humanité ?

Si le demi-savoir est plus dangereux que l’ignorance aveugle, parce qu’aux maux que produit l’ignorance, il ajoute encore les erreurs sans nombre qui sont les suites inévitables d’une vue bornée en-deçà des limites du vrai, c’est sans doute le don le plus pré-