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lois humaines pourraient-elles, au milieu du choc des passions et des sentimens opposés de la douleur et du plaisir, empêcher qu’il n’y ait quelque trouble et quelque dérangement dans la société ? C’est pourtant la chimère des hommes bornés, lorsqu’ils ont quelque pouvoir.

Si l’on défend aux citoyens une multitude d’actions indifférentes, comme ces actions n’ont rien de nuisible, on ne prévient pas les crimes ; au contraire, on en fait naître de nouveaux, parce qu’on change arbitrairement les idées ordinaires de vice et de vertu, que l’on proclame cependant éternelles et immuables.

D’ailleurs, à quoi l’homme serait-il réduit, s’il fallait lui interdire tout ce qui peut être pour lui une occasion de mal faire ? Il faudrait commencer par lui ôter l’usage de ses sens.

Pour un motif qui pousse les hommes à commettre un crime, il y en a mille qui les portent à ces actions indifférentes, qui ne sont des délits que devant les mauvaises lois. Or, plus on étendra la sphère des crimes, plus on en fera commettre, parce qu’on verra toujours les délits se multiplier à mesure que les motifs de délits spécifiés par les lois