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DES DÉLITS ET DES PEINES

être promulguée. L’opinion, qui gouverne les esprits, obéit aux impressions lentes et indirectes que le législateur sait lui donner ; mais elle résiste à ses efforts, lorsqu’ils sont violens et directs ; et les lois inutiles, qui sont bientôt méprisées, communiquent leur avilissement aux lois les plus salutaires, que l’on s’accoutume à regarder plutôt comme des obstacles à surmonter, que comme la sauvegarde de la tranquillité publique.

Or, comme l’énergie de nos sentimens est bornée, si l’on veut obliger les hommes à respecter des objets étrangers au bien de la société, ils en auront moins de vénération pour les lois vraiment utiles.

Je ne m’arrêterai point à développer les conséquences avantageuses qu’un sage dispensateur de la félicité publique pourra tirer de ce principe ; je ne chercherai qu’à prouver qu’il ne faut pas faire de l’état une prison.

Une loi qui tenterait d’ôter aux citoyens la liberté de quitter leur pays, serait une loi vaine ; car à moins que des rochers inaccessibles ou des mers impraticables ne séparent ce pays de tous les autres, comment garder tous les points de sa circonférence ? Comment garder les gardes eux-mêmes ?