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DES DÉLITS ET DES PEINES

heureuse créature qui expire sur un gibet ? N’aurait-elle pas pu, par son travail, payer le quadruple de cette somme, et, par ce moyen, satisfaire à l’expiation exigée par la loi de Dieu ? Et n’est-il pas égal de punir l’innocent ou d’infliger une peine disproportionnée au délit ? À considérer les choses sous ce point de vue, combien de fois toutes les années l’innocence n’est-elle pas, non-seulement punie, mais tourmentée dans presque tous les états civilisés de l’Europe ?

Mais il semble qu’il soit convenu que cette espèce d’innocence doit être punie, afin de prévenir le crime. J’ai lu en effet qu’un cruel Barbaresque était dans l’usage, toutes les fois qu’il achetait un nouvel esclave chrétien, de lui faire appliquer immédiatement cent coups de bâton à la plante des pieds, afin que le souvenir de ce traitement, et la crainte de l’encourir par la suite, l’empêchassent de commettre les fautes qui auraient pu le mériter.

L’auteur des Pensées aurait de la peine, sans doute, à approuver entièrement la conduite de ce Turc dans un gouvernement d’esclaves ; cependant ne semble-t-il pas recommander un pareil régime pour les sujets britanniques, lorsqu’il applaudit à la réponse du juge Burnet. Ce juge demandant à un prisonnier convaincu de vol de chevaux, s’il n’avait pas quelque chose à dire qui pût lui éviter la mort, le prisonnier répondit qu’il paraissait bien