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DES DÉLITS ET DES PEINES

pu détruire une coutume fondée sur une espèce d’honneur, qui est plus cher aux hommes que la vie même. Le citoyen qui refuse un duel, se voit en butte aux mépris de ses concitoyens ; il faut qu’il traîne une vie solitaire, qu’il renonce aux charmes de la société, ou qu’il s’expose sans cesse aux insultes et à la honte, dont les coups répétés l’affectent d’une manière plus cruelle que l’idée du supplice.

Par quelle raison les duels sont-ils moins fréquens parmi les gens du peuple que chez les grands ? Ce n’est pas seulement parce que le peuple ne porte point d’épée, c’est parce qu’il a moins besoin des suffrages publics que les hommes d’un rang plus élevé, qui se regardent les uns les autres avec plus de défiance et de jalousie.

Il n’est pas inutile de répéter ici ce qui a déjà été dit quelquefois, que le meilleur moyen d’empêcher le duel est de punir l’agresseur, c’est-à-dire, celui qui a donné lieu à la querelle, et de déclarer innocent celui qui, sans chercher à tirer l’épée, s’est vu contraint de défendre son honneur, c’est-à-dire, l’opinion, que les lois ne protègent pas suffisamment, et de montrer à ses concitoyens