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CHAPITRE XXVII.

des malheureux dont ils ont fait leurs esclaves. C’est par là que certains gouvernemens, qui ont toutes les apparences de la liberté, gémissent sous une tyrannie occulte. C’est par les priviléges des grands que les usages tyranniques se fortifient insensiblement, après s’être introduits dans la constitution par des voies que le législateur a négligé de fermer.

Les hommes savent opposer des digues assez fortes à la tyrannie déclarée ; mais souvent ils ne voient pas l’insecte imperceptible qui mine leur ouvrage, et qui ouvre à la fin, au torrent dévastateur, une route d’autant plus sûre qu’elle est plus cachée.

Quelles seront donc les peines assignées aux crimes des nobles, dont les priviléges occupent une si grande place dans la législation de la plupart des peuples ? Je n’examinerai pas si cette distinction héréditaire de roturiers et de nobles est utile au gouvernement, ou nécessaire aux monarchies ; s’il est vrai que la noblesse soit un pouvoir intermédiaire propre à contenir dans de justes bornes le peuple et le souverain ; ou si cet ordre isolé de la société n’a pas l’inconvénient de rassembler, dans un cercle étroit, tous les avantages de l’industrie, toutes les