Page:Beccaria - Des délits et des peines, traduction CY, Brière, 1822.djvu/204

Cette page a été validée par deux contributeurs.
176
DES DÉLITS ET DES PEINES

D’autres jurisconsultes mesurent la gravité du crime sur la dignité de la personne offensée, plutôt que sur le tort qu’il peut faire à la société. Si cette méthode était reçue, une irrévérence légère envers l’Être-Suprême mériterait une peine bien plus sévère que l’assassinat d’un monarque, puisque la supériorité de la nature divine compenserait infiniment la différence de l’offense.

D’autres enfin ont cru que le délit était d’autant plus grave qu’il offensait davantage la divinité. On sentira aisément combien cette opinion est fausse, si l’on examine de sang-froid les véritables rapports qui unissent les hommes entre eux, et ceux qui existent entre l’homme et Dieu.

Les premiers sont des rapports d’égalité. C’est la nécessité seule qui, du choc des

    moins punis que de plus petits délits, si ceux-là ont été commis par une espèce d’accident et sans cruauté, et ceux-ci par des vues profondes, couvertes et malignement concertées. Le juge ne punira pas de la même peine celui qui a commis le mal par négligence, et celui qui a pris ses mesures pour nuire. » (Sénèque, De irâ, Lib. I, cap. 16.) — Mais ces idées, qui peuvent amener beaucoup d’arbitraire, demandent à être profondément méditées.