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CHAPITRE XXI.

cette assertion avec toute l’exactitude mathématique ; mais on peut l’appuyer d’exemples remarquables.

Jetez les yeux sur l’histoire, vous verrez les désordres croître à mesure que les empires s’agrandissent. Or, l’esprit national s’affaiblissant dans la même proportion, le penchant au crime croîtra en raison de l’avantage que chacun trouve dans le désordre même ; et la nécessité d’aggraver les peines suivra nécessairement la même progression.

Semblable à la gravitation des corps, une force secrète nous pousse toujours vers notre bien-être. Cette impulsion n’est affaiblie que par les obstacles que les lois lui opposent. Toutes les actions diverses de l’homme sont les effets de cette tendance intérieure. Les peines sont les obstacles politiques, qui empêchent les funestes effets du choc des intérêts personnels, mais sans en détruire la cause, qui est l’amour de soi-même, inséparable de l’humanité.

Le législateur doit être un architecte habile, qui sache en même temps employer toutes les forces qui peuvent contribuer à la solidité de l’édifice, et amortir toutes celles qui pourraient le ruiner.