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CHAPITRE XIX.

On pourrait encore resserrer davantage la liaison des idées de crime et de châtiment, en donnant à la peine toute la conformité possible avec la nature du délit, afin que la crainte d’un châtiment spécial éloigne l’es-

    affections se réduisent à une compassion stérile pour les souffrances du malheureux qu’il a vu périr.

    » Mais une raison bien plus importante pour que le délit une fois commis, on fasse le procès au prisonnier le plutôt possible, c’est que le procès peut quelquefois manifester son innocence. L’esprit humain ne conçoit pas, sans être pénétré d’horreur, la question préparatoire qu’on employait autrefois en France. Eh bien ! l’emprisonnement long-temps avant le procès, provient de la même source, quoiqu’il ne soit pas suivi de la même cruauté ; car, dans les deux cas, on commence d’abord par infliger une peine, et ensuite on examine à loisir si le malheureux qui la souffre est innocent ou coupable. Après avoir été privé de sa liberté pendant sept ou huit mois, après avoir souffert durant cet intervalle toutes les horreurs de la prison, l’infortuné est enfin conduit devant le juge qui, sur ses interrogatoires, le déclare parfaitement innocent. Qu’en résulte-t-il ? À la vérité, sa réputation est rétablie, mais sa santé ne le sera jamais ; peut-être il a perdu pour toujours les moyens de gagner sa vie, et il retrouve sa malheureuse famille dans quelque atelier de charité où la honte et la misère l’ont forcée de se réfugier. » (Mirabeau, Observations sur Bicêtre.)