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CHAPITRE XVIII.

et cruel, on doit, autant que possible, en adoucir la rigueur et en abréger la durée. Un citoyen arrêté ne doit demeurer en prison qu’autant de temps qu’il en faut pour l’instruction du procès ; et les plus anciens détenus ont droit à être jugés les premiers.

Le coupable ne doit être resserré qu’autant qu’il le faut pour l’empêcher de fuir ou de cacher les preuves de son crime. Le procès même doit être conduit sans lenteurs. Quel contraste affreux, que l’indolence d’un juge et les angoisses d’un accusé ! D’un côté, un magistrat insensible, qui passe ses jours dans l’aisance et les plaisirs, et de l’autre, un malheureux qui languit dans les larmes, au fond d’un cachot hideux[1].

  1. « Jetez les yeux sur ces tristes murailles, où la liberté humaine est renfermée et chargée de fers, où quelquefois l’innocence est confondue avec le crime… Approchez ; et si le bruit horrible des fers, si des ténèbres effrayantes, des gémissemens sourds et lointains, en vous glaçant le cœur, ne vous font reculer d’effroi, entrez dans ce séjour de la douleur…, et sous ces traits défigurés, contemplez vos semblables ; meurtris de leurs fers, à demi-couverts de quelques lambeaux, infectés d’un air qui ne se renouvelle jamais et semble s’imbiber du venin du crime, rongés vivans des mêmes insectes