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CHAPITRE XVI.

pirateurs ou des séditieux ; et dans des tems d’amnistie, on a vu tout rentrer dans l’ordre et dans le devoir.

Ces exemples, auxquels on en pourrait ajouter beaucoup d’autres, prouvent trois choses. La première, que la peine de mort n’empêche pas le crime, quand les mœurs ou les circonstances y portent ; la seconde, que la douceur des peines tend plutôt à diminuer qu’à multiplier les crimes, quand rien n’y porte d’ailleurs ; la troisième, que les lois trop rigoureuses favorisent le crime plutôt qu’elles ne le répriment, lorsqu’elles font craindre de commettre, par l’accusation, un crime plus grand que celui dont on voudrait accuser, et de compromettre sa réputation en poursuivant la satisfaction d’un dommage moindre que la perte de l’honneur.

C’est donc sur les mœurs et les circonstances politiques d’un état, bien plus que sur les lois pénales, que reposent la sûreté et la tranquillité des citoyens ; là où les mœurs sont bonnes, les lois cruelles sont sans nécessité ; là où les mœurs sont mauvaises, les lois cruelles sont sans force contre le crime ; et, dans tous les cas, elles sont dangereuses.

Le grand art de la police de sûreté, qui doit être le supplément des mœurs, n’est pas, quoi qu’on en dise, dans la juste mesure des peines, mais dans la perfection des moyens d’empêcher l’impunité des coupables. La crainte de telle ou telle peine ne peut