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CHAPITRE XVI.

Il pouvait proposer une observation plus spécieuse ; il pouvait dire : la preuve légale de tout délit pouvant être trompeuse, et les juges pouvant toujours l’appliquer sur de faibles indices, ou même malgré des preuves d’innocence, l’institution de la peine de mort est pour tous les citoyens un danger tel, que l’intérêt de leur conservation ne leur permet pas de s’y exposer.

Mais cette proposition ne serait pas au-dessus de toute réponse. Si le risque d’être condamné innocent paraissait moindre que celui d’être attaqué et assommé dans la vie sauvage, et était nécessaire pour préserver de celui-ci, il serait très-conforme à l’intérêt de la conservation de le courir. Et Beccaria lui-même, par une contradiction que la rectitude habituelle de sa logique fait paraître fort étrange, reconnaît que la mort d’un citoyen peut être nécessaire, lorsque, privé de sa liberté, il a encore des relations et une puissance qui peuvent troubler la tranquillité de la nation.

Revenons donc à cette proposition : qu’en soi, la peine de mort n’a rien de contraire au droit que chaque homme a de conserver sa vie.

Mais dire que l’institution de la peine de mort n’est pas nécessairement illégitime, ce n’est pas dire qu’elle soit toujours légitime, même contre les crimes capitaux ; pour être légitime, il faut qu’elle soit nécessaire ou éminemment utile. Voyons donc la seconde question.